... et moi j'écrase mes mots humides

dans le cendrier d'un bleu acharné
.

extrait de : "J'écrase" dans La Nuit Remuée

par EZ

samedi 23 janvier 2010

Ma Mère de Vénus KHOURY-GHATA (couleur femme 2)

Ma mère s'abîmait dans le mouvement poussif de son balai
luttant contre un sable qui s'appelait désert
contre une humidité qui s'appelait étangs
ses mains de balayeuse à l'écart du monde délimitant des frontières
exhumant des mots imaginaires
traquant le moindre affaissement du vent
la moindre tâche d'obscurité
balayant avec abnégation en riant aux éclats dans la bourasque
de peur d'apparaître acariâtre

Mère si modeste
tu ne tirais aucune gloire du vent qui soufflait pour tes seuls bras qui balayaient

Le sel que ma mère jetait dans son fourneau
déliait la langue des flammes et prolongeait nos corps
jusqu'au lac Baïkal jusqu'aux rives de l'Euphrate
nous avons ramené des toucans bleus dans nos cheveux
mangé un fruit acide qui fit grimacer la table
mâché une herbe rouge qui donna des hallucinations à l'évier

Dans le fourneau de ma mère s'empoignaient les vents porteurs de rumeurs
les fleuves d'Amazonie se suicidaient dans l'Atlantique
les cloches du Tibet s'étranglaient avec leur corde
Nous écoutions toutes leurs doléances nous compatissions

Ma mère avait jumelé son basilic avec le chêne de la forêt
qu'elle conviait Pâques après Pâques à partager l'herbe et le cri de l'agneau
et vérifiait avec sa toise si nous avions grandi avec la lampe
qui repoussait le soleil derrière la haie
quand les doigts maternels remontaient la mèche d'un cran.

Vénus KHOURY-GHATA

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