... et moi j'écrase mes mots humides

dans le cendrier d'un bleu acharné
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extrait de : "J'écrase" dans La Nuit Remuée

par EZ

mardi 19 janvier 2010

Couleur femme (1) extrait

Les Murailles de Feu (page 418-419)

  de   Steven Pressfield


Editons : L'ARCHIPEL

ISBN 2-84187-315-3



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(...)

Me détestes tu ? demanda-t-il pour commencer. Si j’étais toi, je me détesterais. Mes mains trembleraient d’une colère mal contenue. » Il me fit une place sur le banc.

« Viens, ma fille, assieds-toi près de moi », dit-il. J’obéis. Je perçus l’odeur de sa sueur et la chaleur de son corps chauffé par l’exercice, comme jadis j’avais senti celles de mon père, quand il m’appelait pour me demander conseil.


La Cité s’interroge, reprit Léonidas, sur les raisons pour lesquelles j’ai choisi ces hommes pour les Trois Cents. Etait ce pour leur valeur militaire ? Mais alors, pourquoi avais-je inclus, parmi les champions tels que Polynice, Dienekès, Alphée et Maron, des jeunes gens sans expérience tels qu’Ariston et ton fils Alexandros ? Peut-être, suppose t on, ai-je deviné un accord subtil entre eux. Ou peut être ai-je été soudoyé. Je ne dirais jamais à la Cité pourquoi j’ai choisi ces hommes. Mais je te le dirai. Je les ai choisis, non pour leur propre valeur, ma fille, mais pour celle des femmes de leur famille.


A ces propos, un cri m’échappa. Je comprenais ce qu’il voulait dire. Il posa sa main sur mon épaule pour me consoler. La Grèce, dit-il, vit son heure la plus périlleuse. Si elle s’en sort, ce ne sera pas aux Portes, où seuls nous attendent la mort et les Alliés, mais plus tard, dans des batailles sur terre et sur mer. Me comprends tu ? Quand la bataille sera finie et que les Trois Cents seront morts, la Grèce tournera son regard vers les Spartiates pour savoir comment ils endurent l’épreuve. Mais qui regarderont-ils ? Toi et les autres mères et épouses, sœurs et filles des héros.


S’ils vous trouvent accablées de chagrin et le cœur brisé, ils seront eux aussi accablés Et la Grèce se brisera avec eux. Mais, si vous gardez la tête haute et l’œil sec, et que non seulement vous supportez votre deuil, mais que vous méprisiez la douleur et ne considérez que l’honneur, alors Sparte tiendra. Et toute l’Hellade se rangera derrière elle.


Pourquoi t’ai-je choisie, Parleia, toi et les autres femmes des Trois Cents ? Parce que vous pouvez gardez la tête haute.


Les mots me jaillirent de la bouche : Est-ce là la récompense de la valeur des femmes, Léonidas ? D’être deux fois affligées et de supporter un double chagrin ? La reine Gorgo tendit la main vers moi pour me consoler, mais Léonidas la repoussa, et serrant pourtant mon épaule, il dit :


Ma femme veut te faire comprendre le fardeau qu’elle a porté toute sa vie sans se plaindre. Il lui a été refusé d’être simplement l’épouse de Léonidas car elle est l’épouse de tous les Lacédémoniens. C’est désormais ton statut, femme. Tu ne peux plus être l’épouse d’Olympias et la mère d’Alexandros, mais tu dois être l’épouse et la mère de toute la nation. Vous êtes les mères de toute la Grèce et de la liberté elle-même. Voilà le devoir sévère que j’ai imposé à ma propre épouse et que je t’impose. Dis-moi, avais-je tort ?

(...)

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